Skynet et le "gros doigt"
Commençons par expliquer qu'un fat finger, en jargon de spéculateur, c'est une étourderie d'ordre de bourse, genre "16 milliards de Procter & Gamble" au lieu de "16 millions"; ce genre d'explication à la manque, vous allez l'entendre sur toutes les ondes ces jours-ci ...
Dans cette note, je n'essaierai pas de convaincre le lecteur de ce qui s'est passé en détail pendant les évennements d'hier soir entre 20h40 et 20h50 (heure de Paris), mais simplement de faire le feuilleton de la soirée du Krach de 2010. On revenait d'Auchan avec ma copine, on a allumé le PC pour aller controler le sacro-saint DXY qui carbure à toute berzingue sur Market Watch, et on a vu ceci:
Bien entendu, le S&P au-dessous de 1100 points a immédiatement attiré le regard; on a regardé plus en détail sur le site (personnellement, je pensais à quelque attentat, voire un accident très grave sur un gisement de pétrole ou un sous-marin nucléaire en perdition). On a trouvé ça:
Observez la chronologie, en haut de l'image: dans la meme minute (2.45p), on passe de -721 points sur le Dow à -945 points ... Le bandeau jaune et rouge (comme l'école Polytechnique) nous suggère que la cause serait à chercher du coté d'Athènes: est-ce bien sérieux ? Les indices se mettent à remonter graduellement, et on repense à la journée du 11 septembre (je m'en souviens bien, j'étais un peu malade et j'habitais encore dans le centre historique de la jolie ville de Pavie, 40 kms au sud de Milan):
L'image de Fox News en haut à gauche, je l'ai récupérée; vous noterez qu'on n'y distingue pas l'effondrement du DJI30, il faut lire en détail (9905 points, -962). Voyez vous-memes:
Pendant ce temps, la presse généraliste se décide à abandonner les frasques de Nicarla et son caniche Fillion et titre maladroitement dans l'urgence des évennements; les bloggers spécialisés sont nettement plus mesurés, meme s'ils sont scotchés devant l'ampleur de la glissade:
Arrivés à la cloture, les cheerleaders de l'information financière, qui n'ont cessé de pump up the market depuis septembre 2009 (pour le moins!) se lancent dans l'impossible entreprise de faire passer un -3.4% pour une anicroche rigolote ... Bien entendu, aucune explication "sérieuse" (genre comment se fait-il que les ordres d'achat aient tous disparus vers 20h45 au point d'avoir -10% en quelques secondes ?):
Could have been worse ... J'adore! Pire que -10% sur le Dow en quelques secondes ? Je me demande bien ce que ça pourrait etre! Combien d'ordres stop ont-il été enclenchés dans l'urgence et se sont retrouvés confrontés à une absence complète d'ordres d'achat en face ? Les gens ont donc été "sortis" de force avec 10% de pertes plus frais de transaction! Effectivement, ça aurait pu etre pire ... sauf que l'article ne dit pas ce que ça aurait été le cas échéant!
Bon, maintenant, si on en arrive aux sentiments ... Le sous-titre parle de suspect trades; quels sont-ils ? Karl Denninger nous en dit plus, et les images ci-dessous viennent de son Market Ticker:
Il semble donc bien que l'on soit en présence d'une affaire de "gros doigt" sur Procter & Gamble (ci-dessus, à gauche); toutefois, cela n'explique pas du tout pourquoi les ordres d'achat ne sont pas arrivés en masse alors que les indices étaient à -5%! Alors, pourquoi les gestionnaires de fonds ne se sont-ils pas précipités pour acheter une telle aubaine ? Eh bien, nous avons donné la réponse il y a quelques temps déjà: leurs réserves de cash sont à sec parce qu'ils sont positionnés au maximum dans le marché ... Sans cash, on n'achète pas, sauf si on fait du levier, mais les fonds classiques ne le peuvent pas.
Daneric, de son coté, observe que cette baisse impressionnante est presque exactement la symétrique du Lehman's day en automne 2008, que nos journalistes TV surpayés à faire du people ont bien entendu complètement oublié!
Evil Speculator nous montre de visu à quoi ressemble un pit dans lequel bid orders completely died up! Et Chuck, de Rebeltraders, nous explique tout cela de façon très pédagogique, le tout gratuitement (faisons une pétition pour dégager Chabot, Pujadas et Calvi et mettre des gens comme lui à leurs postes!).
Maintenant, l'explication profonde du phénomène nous est donnée dans le détail par Zero Hedge, le meilleur blog financier du monde! Pour faire simple et court, le marché est en vérité très peu liquide: peu de participants avec un effet levier fort s'échangent les memes actions dans des transactions pouvant descendre jusqu'à la milliseconde. C'est un équilibre très précaire qui tient en partie à la mise à disposition de liquidités à 0% via la discount window de la Federal Reserve. Or, les machines en question, lorsque mises en présence d'un glitch comme celui sur Procter & Gamble, ont immédiatement vendu le marché à découvert, exactement comme elles le faisaient à la hausse à chaque amorce de baisse il y a encore quelques semaines! Mais bien entendu, lorsque ça "paniquait à la hausse" dans des volumes exceptionnellement faibles, personne n'y trouvait rien à redire!